Voyage dans Nadja
En ces temps de rentrée littéraire, L'Égouttoir n'oublie pas de participer à la surproduction ambiante avec un livre du formidable Benoît Préteseille. Cela faisait longtemps que je voulais travailler avec cet auteur... Co-fondateur des éditions Warum où il dirige la collection Civilisation, Benoît a publié plusieurs livres assez incroyables au sein de sa structure ou chez la Cinquième Couche. Il y a particulièrement deux indispensables : L'Oiseau de Francis Picabia (La 5e Couche) et Fantomas, le dernier geste (Warum). Il sait vraiment interroger la Bande Dessinée, la pousser dans ses retranchements... et c'est pour ça que ce qu'il nous a fait n'est absolument pas de la Bande Dessinée. Mais c'est formidable quand même :
« Debout les monstres !
Alors oui, je sais, c'est mal, mais je n'ai pas pu m'en empêcher, je vous jure. J'ai encore relu le Nadja d'André Breton...»
Le récit principal du volume est une exploration de Paris à partir de Nadja,
qui se fait également relecture du roman : les rues et les places, les
passages et les arrières-cours que parcourt Preteseille résonnent des
phrases de Breton. Le texte est parsemé d'illustrations qui sont
explication, respiration ou accélération dans des effets de mise en
page dont la sobriété garantit l'efficacité. Preteseille connaît à
merveille le Paris surréaliste de l'entre-deux-guerres, mais ne
s'enferme pas dans la référence ni la citation : Nadja est un arrière-plan, dont la méconnaissance n'empêche pas d'apprécier l'originalité de ce Voyage.
« Je n'ai jamais pu regarder en face ce qui se
cachait entre mes jambes. Dès ma naissance. Mes parents s'inquiétèrent
donc très tôt de mon absence d'intérêt pour la masturbation infantile.
Ils étaient tellement libérés en ce temps-là, vivant nus le plus clair
de leurs jours et forniquant sans gêne dans tous les coins de notre
petit appartement, ça les perturbait beaucoup d'avoir un fils non
obsédé, non pervers polymorphe. Mon abstinence trahissait leurs
idéaux... »
Dans Qu'est-ce qu'une bite ?
Preteseille se fait conteur angoissant, à travers l'autoportrait
succint d'un homme que la sexualité dégoûte et son propre pénis
horrifie. Détaché de ses influences habituelles, l'auteur se montre
aussi convaincant que dans l'exploration du panthéon surréaliste.
Infos techniques : Voyage dans Nadja / Qu'est-ce qu'une bite, Benoît Preteseille, troisième titre de la collection Gorgonzola, 32 pages, rabats. Août 2009. 4 €.